Le dermatologue des façades

Pousser les portes de l’atelier bleu, c’est pénétrer dans une clinique. Ici, des spécialistes soignent le parement de nos façades, guérissent nos murs, soulagent les fissures de nos vieilles pierres, éradiquent les cloques de nos peintures. Rencontre avec le mandarin, auteur de l’unique somme sur le ravalement en 652 pages.

Comment êtes vous devenu le spécialiste des ravalements en France ?

François Virolleaud, le dermatologue des façadesJ’ai une longue histoire avec le ravalement car j’ai été l’un des premiers architectes à m’y intéresser. C’était une époque où il n’y avait pas de récession économique et où tout le monde se désintéressait de la question. J’avais eu l’opportunité de m’occuper d’un ravalement et cela m’avait vraiment intéressé. Je me suis alors aperçu qu’il n’y avait aucunes règles, aucunes données techniques, aucune liste des savoir faire… il n’y avait rien, absolument rien sur le sujet.

Finalement, en 1990, j’ai écrit un livre sur le ravalement qui m’a conféré une image et une légitimité sur le sujet. C’était une enquête de trois ans en France. suite à cela, j’ai constitué un réseau et avec cette image, j’ai surfé sur cette vague. les syndics ne connaissaient pas encore bien ce travail, les autres architectes non plus. la ville de Paris m’a appelé pour conseiller techniciens au moment où les élus souhaitaient changer leur campagne de ravalement. a la suite de quoi, le ravalement perpétuel a été instauré à Paris. a la même période, j’ai créé des associations dont une perdure toujours : la Compagnie des architectes de Copropriétés.

Je n’étais d’ailleurs pas le seul à l’origine, nous étions cinq dont Jean louis taieb (également organisateur du salon de la copropriété ndr). aujourd’hui, comme architecte, je ne fais que du ravalement, de la couverture, bref je soigne l’enveloppe du bâtiment. C’est très spécifique. 

Justement, est-ce vraiment de l’architecture ?

Le ravalement, c’est de l’entretien, seulement de l’entretien.

Parfois, nous changeons un petit peu l’image mais il faut le dire, le ravalement est plus proche du travail de restauration que de création de façades nouvelles. avec des moyens financiers limités et définis par les budgets des copropriétés, il s’agit d’offrir la meilleure prestation possible. Parfois, ce n’est d’ailleurs qu’une simple réparation astucieuse. si vous prenez un immeuble en pierre, la restauration serait de changer les pierres malades. le ravalement consiste seulement à réparer les pierres malades avec des ciments spéciaux. toute la différence est là et elle est du simple au double en prix !

Comment le travail de ravalement a évolué depuis les années 90 ?

Aujourd’hui, le ravalement est devenu très technique. C’est d’ailleurs pour cette raison, que j’ai remis à jour mon ouvrage. Je mentionne les nouvelles règles européennes ainsi que les obligations écologiques, notamment le Grenelle qui oblige les fabricants à travailler plus « bio ».

Par exemple, les peintures sont désormais à l’eau et non plus à base de produits pétroliers. Cela influe sur la façon de travailler et il faut former les ouvriers du bâtiment. en 20 ans, un bouleversement complet s’est produit. et puis, toutes les villes ont lancé des campagnes de ravalement structurées avec des protocoles, avec des formations d’entreprises, avec une analyse des tissus locaux. aujourd’hui que ce soit dans le nord, le sud, l’ouest ou l’est, il n’y a pratiquement pas de villes sans campagne de ravalement.

J’avais été invité par la Cube de bordeaux en 1992 pour lancer la première campagne de ravalement. aujourd’hui, l'image de la ville de bordeaux est transfigurée grâce au ravalement. nice a lancé un programme de grande envergure pour réhabiliter les immeubles de 1920 qui avait été enfouis sous des peintures très épaisses. les villes ont ainsi mis en place des réglementations pour récupérer des beaux immeubles et ne plus laisser faire n’importe quoi...

…Et Paris et sa couronne, alors ?

Nous avons blanchi Paris!

Paris, tout le monde en est conscient a changé d’image en 20 ans. C’est hallucinant.

Paris était comme les photos de brassaï, en noir et blanc, très sombre. le boulevard st Germain n’avait pas été ravalé depuis le début du siècle ! dans ces immeubles bourgeois et riche et on ne souhaitait pas afficher son opulence en finançant des travaux. la nouvelle réglementation a changé la donne.

Maintenant, tout est beau, tout es blanc. en plus, la ville travaille par bloc et cela crée une cohérence. le ravalement s’est imposé pour des raisons d’image mais aussi socio psychologiques. dans les années 85 /90, on s’est mis à retrouver les centres villes, qui à l’époque était complètement méprisé.