« Je suis un syndic heureux »
Foin des visions pessimistes sur l’immobilier ! Quand Isabelle Fournier évoque son métier, avec ses défis, avec parfois ses difficultés, c’est quand même l’enthousiasme qui transparaît. Rencontre avec une femme très très très passionnée…
Le cabinet a été créé en 1969 et vous-même êtes dans l’immobilier depuis 28 ans. Quelles sont les principales évolutions de votre métier ?

Je pense que la question de la responsabilisation des gens devient essentielle. nous sommes dans une société d’ultra communication et pourtant il n’y a plus de communication. Les gens ne connaissent plus leur voisin. On ne se parle plus. les documents que nous envoyons ne sont pas ou peu lus. a la limite, c’est la génération plus âgée - « la vieille école - qui fait encore l’effort de lire ces documents. Par conséquent, nous entrons dans une ère d’assistanat, où les gens nous contactent pour répéter à l’oral les informations que nous envoyons à l’écrit. Je peux vous donner
un autre exemple : 25 % de notre travail concerne la gestion des dégâts des eaux. Les gens nous appellent pour régler ce problème qui implique le voisin de l’étage supérieur. C’est un vrai souci en terme de temps pour nous, mais aussi en terme de dérapage des charges. Quand on nous appelle, nous sommes obligés de faire une recherche pour le compte de l’immeuble. Cela est facturé par l’expert délégué par la compagnie d’assurance de l’immeuble. Il serait plus simple que les voisins dialoguent et collaborent pour chercher la fuite. Trois experts déplacés dans l’année dans un même immeuble pour quelques personnes qui ne se sont pas parlées entrainent une augmentation des charges et un surcoût de la multirisque assurance !
Vous êtes en train de pointer la responsabilité des copropriétaires dans la dérive des charges?
C’est en partie vrai et c’est un peu dommage car les gens font leur propre malheur en ne se responsabilisant pas. Cependant, cette dérive des charges s’explique aussi par le développement maximum du principe de précaution où l’on a mis un maximum de diagnostics obligatoires. Nous avons droit à un florilège de diagnostics extraordinaires, de véritables mannes pour toutes les sociétés de diagnostiqueurs… Je ne disconviens pas qu’elles soient pour partie nécessaires. mais leurs régularités extrêmes me laissent pour ma part dubitative.
Vous évoquez cette absence de communication. Est-ce qu’en fait qu’il ne manque pas tout simplement une présence dans les immeubles, autrefois rôle dévolu aux concierges ?
vous parlez à un syndic extrêmement pro-gardienne ! Un gardien avec son salaire et ses cotisations représente 25 à 30 % des charges. Il est tentant pour les copropriétaires de supprimer ce poste. C’est un raisonnement économique à court terme qui prive un immeuble d’un élément essentiel à la sécurité et au lien social.
✓ Dans « prestation de services », il y a certes le mot « prestation », mais il y a aussi « services » pour nos clients.
En cette veille d’élection, je vais d’ailleurs écrire, comme je l’ai déjà fait, à tous les partis politiques, pour leur demander d’exonérer de charges sociales les syndicats de copropriétaires qui veulent bien au départ à la retraite d’un gardien, réembaucher un gardien. Cela créera ou au moins maintiendra de l’emploi. De plus cet allégement fiscal sur des petits salaires constitue un levier extraordinaire en matière de sécurité et de lien social dans l’immeuble. Elle peut ainsi aider au maintien à domicile des personnes âgées.
Comme vos confrères sentez-vous une pression à la baisse sur les charges ?
On en revient aujourd’hui, mais il vrai que l’on a beaucoup entendu dans la presse « Faîte des économies de charges, renégociez votre contrat de syndic à la baisse, choisissez le syndic le moins cher même s’il est mauvais » ce qui revient pour moi, à payer peu, certes, pour rien, dans ce cas alors à payer trop… Les copropriétaires en reviennent. Ils commencent à trouver que ne pas payer le syndic au juste prix coûte cher. moi, je ne suis pas chère finalement, car je fais quelque chose ! Lorsque je récupère un immeuble d’un confrère – rarement heureusement de la Fnaim – je le
trouve très cher, car il n’a rien fait… cela n’est pas normal. Dans les mots « prestation de services », il y a certes le mot « prestation » pour nous, mais il y a aussi « services » pour nos clients. en moyenne, mes tarifs sont 60 % plus élevés que mes concurrents les moins chers, pourtant, je parviens à leur prendre des immeubles, car je fournis un service réel, de qualité.
Vous avez un discours original et vous êtes l’une des rares femmes à la tête d’un cabinet. Y-a-t-il une touche féminine dans votre approche ?
J’en suis convaincue. en opérationnel, une femme est sans doute plus travailleuse, plus besogneuse dans le sens où elle va jusqu’au bout du dossier. Or un client attend que l’on aille jusqu’au bout de son dossier. maintenant, nous sommes complémentaires avec les hommes. chacun peut bien faire son métier avec son approche. en 28 ans, je
n’ai d’ailleurs jamais eu de remarques misogynes, sauf une fois. J’ai d’ailleurs vite remis en place ce monsieur… en fait, pour faire ce métier, il faut aimer les gens, les êtres humains. J’adore mon métier. Je suis un syndic heureux. J’aime mes clients. Je reste souvent après les a.g, pour discuter de tout autre chose, pour être en contact.
Donner du temps, certains syndics pensent que ce n’est pas nécessaire. Je pense au contraire qu’il est important d’être là.
Cabinet Moulin des Prés
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